Chaque année en France, des milliers de tonnes de plastiques issues des activités de soins (hors risques infectieux) sont jetées par les structures de santé. Faute de filière de recyclage adaptée, ces déchets finissent souvent par être enfouis ou incinérés. L’étude EVAPlus de l’ADEME a analysé le terrain pour proposer des pistes de réutilisation et de valorisation.
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Pourquoi le secteur de la santé émet-il autant ?
Flacons, gants, blouses ou encore emballages d’instruments stériles, kits prêts à l’emploi… Tous ces produits médicaux ont un point commun, ils contiennent du plastique. La plupart étant à usage unique et immédiatement jetés après utilisation (voire sans avoir été utilisés pour les kits), on comprend tout de suite pourquoi le volume de déchets plastiques du secteur de la santé est si important. « Les qualités du plastique, souple ou léger par exemple, ont apporté un confort d’usage et répondu aux besoins d’hygiénisation » explique Sophie Midy, animatrice sur la transition écologique du secteur santé à l’ADEME. D’après les premières estimations issues des travaux des Hôpitaux Universitaires de Marseille (APHM), les plus grandes quantités de déchets en volume concerneraient les gants de toilettes, les protection en cas d’incontinence, les pyjamas des patients ainsi que les antiseptiques, dispositifs médicaux à usage unique et sets de soin.
Où vont tous ces déchets ?
Si les déchets infectieux sont majoritairement enfouis ou incinérés, il existe en revanche depuis 2012 une filière REP (Responsabilité élargie des producteurs – c’est-à-dire que les entreprises sont responsables de la gestion des déchets issus de leurs produits) pour les dispositifs médicaux. Mais cela ne suffit pas pour traiter tous les déchets plastiques de santé ! Devant ce constat, le pôle de compétitivité Polymeris, l’ADI Nouvelle-Aquitaine, l’ADEME et un consortium d’acteurs publics-privés, accompagnés par le cabinet de conseil en innovation Alcimed, ont réalisé l’étude EVAPlus sur la valorisation des plastiques usagés en santé.
L’étude qui fait l’état des lieux
EVAPlus a permis de quantifier de façon macroscopique les gisements de plastiques à disposition dans les services de santé, mais aussi de caractériser les pratiques actuelles en termes d’utilisation de produits plastiques contenant des matières recyclées. Elle s’est ensuite attachée à évaluer les voies de revalorisation existantes des déchets plastiques en santé.
Une filière de recyclage à structurer, 6 acteurs à coordonner
Développer une filière de recyclage des déchets plastiques liée aux activités de soins nécessite de coordonner 6 typologies d’acteurs complémentaires :
- Les structures de soins : hôpitaux, centres de santé, cabinets médicaux, EHPADs…
- Les collecteurs de déchets et centres de tri
- Les recycleurs
- Les plasturgistes (ceux qui transforment la matière plastique)
- Les metteurs en marché et distributeurs (ceux qui émettent et distribuent les produits plastiques)
- Les centrales d’achats
L’étude EVAPlus a identifié 5 défis à relever pour bâtir une filière de recyclage à grande échelle.
Défi n°1 : le modèle économique
La rentabilité d’une filière de recyclage de plastiques de santé pose question, les coûts de collecte et de tri dépassant souvent la valeur de revente des matières recyclées. L’étude souligne la nécessité de trouver un modèle économique pérenne, notamment par la massification des gisements (en collectant les déchets de divers secteurs, les filières étant organisées par type de plastique et non par secteur) et en ciblant des exutoires à haute valeur ajoutée. L’idée de créer des contrats de performance énergétique, inspirés du secteur de l’énergie, est également avancée dans l’étude. Par exemple, un énergéticien finance la rénovation des nouveaux équipements de ses clients. En retour, pendant une période définie, l’entreprise se rémunère sur les économies d’énergie générées par ces équipements. À la fin du contrat, les installations et les économies réalisées reviennent entièrement au client.
Défi n°2 : la logistique
Le manque de foncier dans les structures de soins (pour stocker les déchets plastiques), combiné à la variété des pratiques de tri et de collecte, pose des défis logistiques importants. « Avec le tri à la source de 9 flux, les locaux à poubelles sont de plus en plus encombrés. Il est nécessaire de prévoir un local adapté à un nombre de filières de tri croissant ou de se regrouper localement entre établissements pour déporter le tri vers une déchèterie professionnelle » avance Sophie Midy. Une meilleure coordination entre les structures, ainsi que la mise à disposition d’outils adaptés au sein des hôpitaux (compacteurs, broyeurs), sont nécessaires pour optimiser la collecte et le tri.
Défi n°3 : la technique
Pour le tri, les difficultés techniques liées à la reconnaissance et au démantèlement mécanisé des produits médicaux (notamment pour assurer la sécurité du personnel) constituent un autre obstacle. La présence de plastiques non étiquetés ou difficilement identifiables, ainsi que des produits à multi matériaux, rendent le tri complexe. « Les innovations et nouveaux plastiques sont nombreux et très complexes à suivre, leur composition n’est pas toujours totalement connue » précise Sophie Midy. L’étude recommande un étiquetage systématique des polymères et une écoconception des produits favorisant le démantèlement.
Défi n°4 : la coordination
Une coordination efficace entre les différents acteurs de la chaîne de valeur est indispensable. Mais comment susciter l’adhésion de tous et à tous les niveaux ? De la direction au personnel de soins, l’implication de chaque échelon est indispensable pour garantir la mise en place et la pérennité d’une filière qui doit prendre en compte l’écoconception et la sobriété afin de réduire les tonnages à traiter.
Défi n°5 : l’efficacité environnementale
Cela paraît évident, et pourtant : une filière de recyclage des déchets plastiques en santé n’aura d’intérêt que si elle devient une option plus vertueuse que les autres alternatives. Il faut donc tenir compte de l’impact carbone de la logistique et des autres impacts environnementaux. L’étude EVAPlus recommande l’utilisation d’analyses du cycle de vie (ACV) pour valider cet aspect.